2.2.11 : Collision
Petit accident de voiture en pleine campagne, un peu avant 6 h du matin. Rien de grave. Attente de la dépanneuse. Puis dans la dépanneuse, à côté du chauffeur. Combien nos vies sont différentes.
Nous écoutons France Bleue, avec tous les témoignages d'accidents dus au verglas.
Le jour se lève sur la campagne.
Le camion avance doucement, lui aussi a peur des intempéries.
Le type a un accent du coin, forcément.
Il n'est pas beaucoup plus vieux que moi, joufflu, pas bavard.
Arrivés au garage, il nous offre un café, à Pascale et moi. Ses mains sont pleines de cambouis, je le remarque quand il nous tend les deux gobelets en plastique.
Tous les matins il doit être réveillé par l'assurance qui l'appelle pour un dépannage, en ce moment de températures négatives, ça doit être quelque chose.
Plusieurs types travaillent pour lui. Ils balancent du sel dehors pour ne pas tomber.
Pour un rendez-vous avec l'expert il tourne les pages de son agenda. Toutes sont tachées d'empreintes de doigts, noires de cambouis là encore. Un cahier d'écolier ligné.
Et puis il y a la déco, une guirlande en forme de palmier, une boule de Noël dans une sorte de rafia… Des ustensiles types qu'il a peut-être reçus de l'enseigne toute puissante dont il est franchisé.
Les mecs bossent la mécanique, c'est sûr, ça se voit. Pour le reste… il faut de la déco, alors il y a de la déco.
Derrière son bleu de travail où est inscrit le nom de la marque - un des deux ou trois gros concessionnaires de voitures français - se trouve le bonhomme, qu'on sent exister. Sans s'en apercevoir il le fait disparaître le logo. Le type est garagiste, point barre, au fond qu'est-ce qu'il s'en fout si c'est pour machin ou machine ? Et il a une vie de famille aussi, ça se sent, ça et son métier ce sont les deux seules écritures marquées... L'humain déborde encore de l'aseptisé, heureusement.