23.8.09 : "L'Enfer", Henri Barbusse
J’ai souvent croisé, comme beaucoup de monde, des rues Henri Barbusse. Sans bien savoir qui c’était, si ce n’est quelqu’un de visiblement populaire. Par hasard je suis tombé sur un livre de poche dont il est l’auteur, "L’Enfer", un roman. Je le voyais plutôt homme politique, non, en fait il était bien écrivain.
Par un second hasard, je lus l’intrigue de "L’Enfer" dans un autre ouvrage où il était question de son érotisme et de sa délicatesse : un homme découvre un trou dans sa chambre d’hôtel et observe ses voisins, qui défilent dans la pièce.
Ça me donna envie de le lire.
D’érotisme effectivement il est question. La première personne qui passe dans cette chambre mitoyenne est une femme. La scène se déroule dans la pénombre, c’est la nuit, seule vacille la lueur du feu de cheminée. Plusieurs pages sur le corps de cette femme, assise sur le canapé, sur son délassement progressif et enfin sa nudité. La lumière est si faible qu’on devine, et c’est là que naît la sensualité.
Les personnages s’enchaînent, différents. Pour autant Barbusse n’épuise pas le prisme des possibilités, c’est tout à son honneur. Un couple de femmes ; un cousin et sa cousine au sortir de l’enfance qui "voudrai[ent] [s]’aimer plus fort" ; des amants adultères…
La vérité c’est l’enfer. C’est ce que semble dire le livre. Le personnage reste collé à son trou, comme à une révélation continue. Pas d’artifice, il voit les gens tels qu’ils sont et c’est inestimable.
Mais ça l’obsède. Que devient-il, lui, pendant ce temps ? Rien… ou tout… il a la place de Dieu.
Cette place pour constater justement que Dieu n’existe pas, que ce sont les hommes qui sont divins, beaux pour ce qu’ils sont.
Je n’ai pas été au-delà dans ma lecture de Barbusse. "L’Enfer" est son premier roman, publié en 1908, par la suite il écrivit plusieurs best-sellers, devint très engagé politiquement, à gauche. Ses écrits sont rangés dans la littérature dite "prolétarienne", terme qui me semble bien réducteur, bien que lui-même participa à définir ce courant. Si je trouve là et là des passages peut-être un peu trop démonstratifs sur une certaine pensée socialiste, les descriptions sont grandioses et ce personnage voyeur est émouvant d’effacement.
C’est le fantasme de beaucoup de monde, cette intrigue. Pour preuve peut-être le retentissement – qui date déjà – de Loft Story et consorts. Mais là tout est vicié, l’œil des caméras visible, les candidats forcément informés d’être observés… Le désir de voir l’authenticité est là mais il se réalise dans le faux. Rien à voir avec la vérité montrée dans "L’Enfer".
La vérité, dont le personnage essaye de garder une trace en la couchant sur papier, en vain. "Tout cela sont des mots inertes qui laissent subsister, sans pouvoir y toucher, la grandeur de ce qui fut".