28.2.15 : Madagascar
Depuis des années Lala fait ce qu’il est en train de faire avec nous. Amener les touristes d’un point A à un point B en voiture. En l’occurrence les deux points sont éloignés de 1000 km.
C’est parti pour trois jours avec un nouvel équipage.
Lala est un gars du pays qui a un job atypique qui lui donne sans doute une certaine assise aux yeux des autochtones : il conduit une voiture, fait rare ici, et il voit du pays, fait encore plus rare.
Comme il n’y a qu’une seule route réellement pratiquable sur cette île, il fait toujours le même trajet, aller avec les touristes puis retour seul. Parfois en deux semaines, parfois en cinq jours etc. Mais toujours le même voyage.
Dix ans qu’il fait ça. Il la connaît par coeur la route. Il me dit qu’il connaît le moindre nid de poule, pour preuve il les anticipe quand ils se planquent juste derrière un virage… Ou il s’étonne quand il y a une détérioration du bitume qui n’était pas là avant.
Il laisse femme et enfant pendant tout ce temps. Il écoute les blancs discuter du paysage ou lui poser des questions, il les emmène dans les mêmes endroits, les mêmes restaurants, les mêmes fabriques de papier, où il a ses habitudes, voire sa vie, ses maîtresses etc.
Puis il reprend la voiture et la route, comme s’il courait après quoi ?
La route et l’horizon droit devant, arriver avant la nuit pour éviter les braquages des méchants pirates.
La route et les longues plaines avec les montagnes lointaines sur les côtés. Les champs exploités par les Chinois qui viennent jusqu’ici faire du blé.
La route comme un long ruban déroulé et Paris qu’il ne connaît pas et dont il se fout à peu près.
La route et putain quel beau ciel couchant qui fait qu’il s’arrête. Jamais il n’avait vu un tel incendie au-dessus de sa tête et de sa voiture. Nous non plus bien sûr. Non jamais. Il prend son appareil photo, il shoote, il est ému. Il a toujours fait le job avec nous, à bien nous expliquer, à maîtriser son sujet et là il est sans voix, admiratif de son propre ciel. Saisi, ça peut encore arriver.
On prend les photos qu’il faut, on se dégourdit un peu, on le prend lui, Lala, on est heureux, on baigne dans une lumière de paradis.
Et puis il faut repartir. Toujours le regard droit, Lala plaisante un peu plus avec nous, ce ciel nous a rapprochés.
Sans qu’on s’en aperçoive la nuit finit par arriver au moment où on traverse un village, à petite vitesse.