27.9.08 : Annemarie Schwarzenbach
Après Emmanuel Bove, Jacques Rigaut, c’est d’Annemarie Schwarzenbach dont je souhaiterais parler ici, écrivain là encore assez peu connu. Je ne peux beaucoup m’étendre car je ne viens de lire qu’un court livre d’elle, "La Mort en Perse". Mais indéniablement c’est un grand livre. Il compte par la détresse qui l’habite, par sa conscience foudroyante de ce que je pourrais appeler "l’humain", par son étude du mal intérieur, et paradoxalement par sa pudeur. Une œuvre inutile comme le dit son auteur, une œuvre qui s’est faîte à son insu, pour tenter de calmer la douleur. Certaines pages mériteraient d’être intégralement recopiées ici, elles seules peuvent évoquer la puissance des confidences de l’écrivaine, son errance sans fond pourtant matérialisée par des mots.
Suisse allemande puis française par mariage, Annemarie Schwarzenbach se lie d’amitié avec les enfants de Thomas Mann : Klaus et Erika. Durant sa courte vie elle n’aura de cesse d’être tiraillée entre la bourgeoisie conservatrice dans laquelle elle a grandi et la modernité révolutionnaire de ses amis, elle trouve un semblant de (non) solution dans la fuite, échappatoires de toutes sortes. Elle meurt en 1942 à l’âge de 34 ans, accidentellement.
Roger Martin du Gard lui dédie Confidence africaine par ces mots "Pour Annemarie Schwarzenbach, en la remerciant de promener sur cette terre son beau visage d’ange inconsolable". C’est vrai, les photos sont éloquentes : une silhouette de mannequin, des étoffes soignées qui ont certainement devancé les modes… Grâce à ces images, sa littérature s’incarne, l’interaction entre ses mots et ces photos fait d’elle une icône à mes yeux. Icône de quoi ? de la femme moderne sûrement ; de la fragilité aussi très certainement - "car tu es faible, tu fais partie des plus faibles" lui dit-on.
Quelqu’un d’autre lui dédia son livre, Carson McCullers avec "Reflets dans un œil d’or".
"La Mort en Perse" est de l’ordre du journal, du récit de voyage (mobile comme immobile)… mais l’écriture est destinée aux autres, ce ne sont pas des notes, c’est semble-t-il construit malgré ce que sa genèse pourrait laisser croire : une écriture pour soulager la dépression due à la solitude, à l’exil dans les montagnes désertiques de l’Iran, à l’amour impossible.
J’ai particulièrement été sensible aux dialogues qui ont quelque chose de magique, ils sont poétiques et flottants, tristes et beaux. Ils pourraient être cinématographiques – d’un film intimiste, un Jarmusch, un Wenders. Il y a quelques pages où elle discute avec un ange assis en face d’elle, un ange exigeant, pas si sympathique. Ce sont des pages extraordinaires.
"La Mort en Perse" a été publié chez Payot dans une traduction de Dominique Miermont.