29.9.07 : Le Tourbillon de la vie
En vélo, je vois le haut de la tour Saint Jacques. Elle commence à se dévêtir des bâches qui la recouvraient complètement pendant sa rénovation. Sa nouvelle clarté me fait la regarder avec attention, et puis je crois aussi que je suis de plus en plus sensible à l’architecture. Donc je la regarde. Et tout en haut sur la terrasse, je vois ce minuscule outil qui sert à mesurer le vent tourner à toute allure (un anémomètre donc - vous savez on dirait deux cuillères reliées par le manche et ça pivote autour d’un axe). Il y a du vent, c’est normal. Mais on le voit à peine d’où je suis. L’outil mesure le vent, mais pour qui ? Il remplit sa fonction à une centaine de mètres du sol, sur une plate-forme fréquentée par quelques oiseaux et parfois par un ouvrier. Il a été installé il y a cinq siècles et tourne toujours. Il est inutile. Comme le feu rouge d’une petite rue, entre trois et quatre heures du matin, qui continue de passer au vert, puis à l’orange. Pourquoi ne l’a-t-on pas enlevé ? Pourquoi l’aurait-on enlevé ? C’est un objet insignifiant.
Mais moi ça me fait quelque chose qu’il soit là encore. Comme si, finalement, il me faisait prendre conscience que tout s’enchaîne, que avant moi et mon vélo, il y a quelques siècles à cette même place il y avait un seigneur, en collants et collerette, qui regardait aussi ce morceau de ferraille tourner et qui avait peut-être le privilège de monter étudier les résultats... Quand il est mort, l’anémomètre n’a pas été enterré avec lui, c’est tout. Il a servi à d’autres – ou pas. Et puis un jour la tour n’a plus été fréquentée et personne ne s’en est plus soucié. Qui sait, il sera peut-être là encore dans cinq siècles ?
Remarque, c’est peut-être au vent qu’il sert à présent ? Les choses se sont modifiées. Crécelle en métal pour faire passer le temps.
[Au moment où j’apporte les dernières corrections à ce texte pour le publier, et où je navigue sur internet pour connaître la date de construction de la tour Saint Jacques, j’apprends avec un certain dépit qu’une petite station météorologique a été installée sur la terrasse à la fin du XIXème siècle et qu’elle est toujours utilisée.
Voilà, il ne me faut pas grand chose pour monter un château de cartes. Mais avouez que vous aussi vous l’avez vu ce seigneur… Nos pensées seraient-elles plus sensibles que la réalité ?]