24.5.13 : Les Flots blues
Les talons hauts tapent sur la Croisette. Les lunettes noires réfléchissent la lumière des sunlights. Les tapis rouges se déroulent comme des gâteaux roulés qui deviennent fous. Les Limo s’étirent comme de la guimauve blanche incrustée de vitres sans tain. Les VIP prennent des rails pour ne pas dérailler, avant de prendre le ridicule escalier qu’on peut pas croire que c’est là la montée des marches.
Des billets qui volent bien serrés dans le portefeuille, des budgets colossaux pour des films qu’on n’ira pas voir ou qu’on oubliera demain.
Des soirées promo. Il faut louer la villa, la sono, appeler le traiteur, le décorateur… Le stagiaire s’en charge depuis le bureau parisien. Mail sur mail, appel sur appel avec les fournisseurs. Au gré des échanges et des devis validés dans l’urgence, il s’aperçoit que sa paye mensuelle est égale à la location d’un pied de caméra à la journée. 150 putain de malheureux euros pour filmer sans que ça soit flou une putain de malheureuse soirée. 150 malheureux euros pour encourager les jeunes dans la vie professionnelle.
Il veut faire le ratio horaire de son temps passé à louer ce pied, et puis non il laisse tomber, il se résigne. Il se dit que c’est ainsi, qu’il y a deux mondes et qu’il est dans celui sans paillettes, sans Croisettes, qu’il est dans celui où il pleut au mois de mai, loin des flots bleus mais en plein blues.